Rencontre de Marion et Jacques Granges - Vignerons en Valais
L'histoire de Marion et Jacques Granges est riche et longue à raconter... Ce couple est un délice de générosité. Ils sont perchés à Beudon, petit hameau au-dessus de la vallée du Rhône en plein cœur du Valais.
Jacques est d'abord passé par l'école d'agriculture de Châteauneuf à côté de Sion, issu d'une famille de pépiniériste-viticulteur du Valais, il a toujours adoré la nature. Après avoir décroché son diplôme fédéral, il a rejoint Zurich pour faire des études à l'École polytechnique afin de devenir ingénieur agronome. Son niveau d'allemand était assez médiocre, mais avec beaucoup de volonté, il est devenu le plus jeune ingénieur agronome suisse en 1969. Il a alors entamé un doctorat à l'école d'ingénieur de Changins avec comme thème la lutte biologique contre les insectes. Il est ensuite parti quelque temps dans le sud des États-Unis pour réaliser une partie de ses recherches alors qu'il n'avait comme passé en anglais qu'un petit livret: "L'anglais facile", qu'il avait ingurgité en à peine quelques semaines... Difficile de ne rien comprendre et de ne pas être compris!!! Mais avec toute sa détermination, il a fini par se débrouiller et malgré les difficultés rencontrées, il garde un bon souvenir de ce grand voyage.
À son retour, alors qu'il était encore en doctorat, l'opportunité d'acheter le vignoble de Beudon s'est offerte à lui! Alors célibataire et sans argent, sa famille était sceptique sur la réussite de cette aventure, mais comme son père possédait déjà un peu plus d'un hectare de vergers au pied de ce gros ventre de rocher que forme Beudon, Jacques avait toujours rêvé acquérir ces quelques hectares de vignoble suspendus entre la vallée et les étoiles. Et c'est comme ça que tout a commencé!
Il a rapidement rencontré Marion, qui est devenue sa femme et la mère de ses enfants. Et c'est ainsi que le projet qui paraissait au départ complètement fou a pris de plus en plus de sens.
À l'époque, le téléphérique qui menait à Beudon devenait de plus en plus vétuste, mais Jacques tenait à lui. C'est d'ailleurs lui qui faisait tout l'entretien, le graissage du câble, le contrôle des sécurités. En 1978, alors que Jacques était suspendu au câble pour assurer le bon fonctionnement de son nouveau système de graissage, la personne chargée d'arrêter la remontée n'a pas stoppé assez tôt au passage du pylône et le câble est sorti des poulies éjectant en même temps Jacques et en lui faisant faire un énorme pendule suspendu dans le vide!!! Cette histoire aurait pu mieux se finir, Jacques s'est retrouvé dans le coma pendant quelques jours alors que Marion attendait leur premier enfant. Petit à petit Jacques est revenu à lui, la rééducation a pris énormément de temps. Jacques estime qu'il était a nouveau entièrement opérationnel 5 ans après cet accident.
Tout ceci n'a pas facilité la conversion du domaine en agriculture biologique, c'est en 1989 que Jacques et Marion ont réussi à cultiver l'ensemble du vignoble intégralement en bio (dont la partie basse au pied du téléphérique). Puis la biodynamie est arrivée logiquement. Pas une mince affaire, car les techniques employées à partir de 1992 pour dynamiser et passer les préparations biodynamiques ne permettaient pas d'avoir de résultat très probant. C'est seulement lors du passage d'Alex Podolinsky au domaine en 1996 que Jacques estime avoir compris un peu mieux la rigueur qu'impose cette agriculture. À vrai dire, Alex Podolinsky lui a clairement dit qu'il ne travaillait pas comme il le fallait et il lui a indiqué le bon matériel à utiliser. Les résultats sont arrivés l'année suivante avec un vrai ressenti de vie dans les parcelles.
Après le gros accident du téléphérique, Marion a interdit à quiconque de l'utiliser. Un chemin mène par un parcours escarpé au Domaine, pendant quelques années la famille Granges l'a emprunté pour descendre dans la vallée. Puis l'opportunité d'installer un autre téléphérique est apparu. Il n'a même pas 30 ans aime a rappeler Marion, "Pour nous c'est le nouveau!". Mais nombre de visiteurs hésitent un moment avant de grimper à l'intérieur de ce téléféérique... De toute façon Marion incite les gens à monter à pied pour que tout le monde se rende compte de la difficulté de travailler dans ces pentes escarpées (ce que nous avons fait à la montée, il y a quelques parties bien abruptes! Une partie est même câblée).
Au niveau de la cave, une partie des raisins blancs sont pressés à Beudon et sont ensuite descendus dans un pipeline jusqu'au pied du téléphérique où ils sont stockés dans une cuve avant d'être transférés dans une cave de vinification. Pour les rouges et les blancs en macération, les bennes de raisins sont accrochées sous la cabine du téléphérique et arrivent ainsi dans la vallée. Toutes les vinifications sont faites au plus proche du naturel avec des levures indigènes et le minimum d'ajout de soufre pour la conservation.
Encore une originalité, les Granges possèdent leur propre centrale hydroélectrique. D'abord installée par l'ancien propriétaire en 1947, elle a été entièrement rénovée depuis les années 1980 et fonctionne aujourd'hui tellement bien qu'elle fournit de l'électricité à l'équivalent de 20 familles.
Jacques et Marion ne sont pas de grands commerciaux, ils ont du vin à vendre et ils attendent avec plaisir les éventuels acheteurs. Avis aux amateurs: www.beudon.ch
Merci à Valentina et à Sébastien de m'avoir accompagné dans cette aventure féérique entre le Valais et les étoiles... Merci à Jaques et Marion pour l'accueil et le temps passé à refaire le monde autour d'une bonne soupe!
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